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Comment faire parler les données émotionnelles ? Entretien avec Héloïse Pellizzoni

Cette année, l’Aleph a accueilli avec grand plaisir Héloïse Pellizzoni pour son stage d’études. Férue de mathématiques, d’analyse des données et de statistique descriptive, elle aime « faire parler les données émotionnelles » grâce à la datavisualisation. Jeune femme aussi engagée qu’inspirante, Héloïse a partagé avec nous, la dernière semaine de son stage, son parcours atypique et sa vision de son expérience chez l’Aleph.  N’hésitez pas à visiter son profil Linkedin.

[…] le défi que représentait l’objectif de « rendre parlantes les données émotionnelles » m’a tout de suite « parlé ». C’est bien mon combat quotidien depuis toujours que de communiquer avec deux mondes aux syntaxes différentes. Dans mon cas, le monde des entendants et le monde des sourds. 

– L’Aleph : Bonjour Héloise. Tu as rejoint l’Aleph en avril pour un stage en datavisualisation. Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi et sur ton parcours ?

– H.P. : Bonjour Amel, je suis en deuxième année de Bachelor en statistique et informatique décisionnelle (BUT) à l’IUT d’Avignon. Mon parcours scolaire a été un parcours de combattante. Je suis née sourde profonde. Mes parents se sont battus pour que je puisse être scolarisée dans une école ordinaire et non pas dans des institutions réservées aux enfants sourds. Jusqu’au brevet du collège, j’ai été scolarisée dans des établissements scolaires classiques, qui avaient des enseignants spécialisés.

Au lycée, j’ai décidé de préparer un baccalauréat scientifique. Une des particularités de la surdité est qu’elle amplifie la difficulté de l’apprentissage de la langue écrite.  L’écriture transcrit le langage parlé, alors le bébé sourd profond ne le perçoit pas du tout. Il ne « formate » pas son cerveau à ce besoin. Par contre, je suis très à l’aise avec les domaines et les compétences qui requièrent de la rigueur, le sens de l’analyse et la logique.

Après le Bac, je me suis inscrite en licence de mathématiques, avec une première année en parcours adapté. Les maths ont l’avantage d’être plus logiques et accessibles. Et la maitrise de la langue écrite est moins importante. Je voulais poursuivre avec un master pour devenir enseignante de maths. Mais pendant ma licence, le projet professionnel de l’étudiant m’a permis une profonde introspection. J’ai finalement décidé de me réorienter vers le BUT Statistique et Informatique Décisionnelle (STID) en 2021.

La datavisualisation permet d’accéder aux informations contenues dans un ensemble de données et de les rendre plus lisibles.

– L’Aleph : Tu arrives bientôt à la fin de ton stage à l’Aleph. Peux-tu nous dire en quoi consiste ton travail concrètement ?

– H.P. : Je fais de la datavisualisation. Depuis l’arrivée des technologies numériques, les bases de données sont de plus en plus volumineuses. On parle maintenant de « Big Data ». La datavisualisation permet d’accéder aux informations contenues dans un ensemble de données et de les rendre plus lisibles.

Je travaille sur deux aspects principalement. D’une part, j’analyse des données émotionnelles recueillies lors d’une étude en cours, puis je crée des modèles statistiques.  C’est un processus de nettoyage et de modélisation des données pour les transformer vers une forme graphique ou visuelle. D’autre part, je définis la mise en forme graphique et les couleursC’est un aspect important de la visualisation des données qui s’inspire de l’art et du design.  Ça permet de donner un retour enrichi sous de multiples perspectives pour aider le public à mieux comprendre l’information. Il n’est pas toujours facile de choisir les couleurs et les graphiques qui correspondent le mieux aux besoins. Qui vont être le plus appropriés pour faire ressortir l’essentiel et faire passer le bon message.

Pour mener ces missions, j’ai créé une interface interactive grâce à la programmation de R studio.  C’est un langage de programmation interprété largement utilisé pour analyser des informations statistiques et une représentation graphique.

J’aime aussi découvrir de nouvelles choses à partir des données projetées par l’IA. Ça permet de mieux comprendre ce que les gens ressentent et désirent

– L’Aleph : Comment tu as connu l’Aleph ? Et pourquoi tu as postulé ? Qu’est-ce qui t’y a attirée ?

– H.P. :  Je ne connaissais par l’Aleph. Mon tuteur de stage à l’IUT, qui tenait une liste de contacts d’entreprises partenaires, m’a aidée à trouver cette entreprise. J’ai d’abord lu le descriptif de l’offre de stage et parcouru le site web. J’ai pensé que j’avais les compétences nécessaires à cette mission. J’ai une bonne maitrise du logiciel R et de bonnes compétences en statistiques descriptives et en analyse de données.

Le poste m’a tout de suite beaucoup intéressée. Travailler sur des aspects d’intelligence artificielle est forcément passionnant et stimulant. Plus encore, le défi que représentait l’objectif de « rendre parlantes les données émotionnelles » m’a tout de suite « parlé ». C’est bien mon combat quotidien depuis toujours que de communiquer avec deux mondes aux syntaxes différentes. Dans mon cas, le monde des entendants et le monde des sourds. En plus, qui ne rêve pas de travailler au moins une fois pour une start-up, symbole d’avenir et de dynamisme ?

– L’Aleph : Qu’est-ce qui te plait dans ton travail chez l’Aleph ? Qu’est-ce qui te plait moins ?

H.P. : J’aime l’analyse des données et l’analyse des statistiques descriptives et les représenter sous forme de tableaux ou de graphiques. J’aime aussi découvrir de nouvelles choses à partir des données projetées par l’IA. Ça permet de mieux comprendre ce que les gens ressentent et désirent.

J’aime aussi le mode de travail à distance. Le télétravail est pour moi un confort et une force pour réaliser la mission. Un confort grâce à un milieu de travail familier. Une force parce qu’il me permet une souplesse dans l’organisation de mon travail. C’est aussi un mode de travail particulièrement adapté à mon handicap. Je dois remercier de tout mon cœur Ariane pour sa disponibilité, sa souplesse, sa gentillesse et ses conseils.

 

Chaque erreur est pour moi une opportunité pour apprendre quelque chose pour la première étape du succès.

– L’Aleph : Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées tout au long de ta mission ?

– H.P. : Dans la statistique, il y a toujours un travail énorme, car il y a beaucoup de chiffres et de programmation. En plus de ça, on peut avoir des problèmes techniques avec des ordinateurs ou même des outils bogués. Et moi, mes compétences en informatique sont encore à perfectionner. Par exemple écrire du code pour gérer des problèmes sur R. Quand ce genre de problèmes se présente, je demande à Ariane et elle m’aide à résoudre le problème. J’ai par exemple rencontré une difficulté de publication des données sur R. Ariane m’a laissé un tutoriel sur le site, et nous avons travaillé ensemble pour comprendre le problème et le résoudre.

Comme je suis encore en apprentissage, il est aussi parfois difficile pour moi d’appliquer des techniques graphiques complexes. Et aussi de décider quelles données sont intéressantes pour faire un graphique qui facilitera la compréhension du public ou de l’entreprise.

Je dois donc toujours rester rigoureuse pour éviter les erreurs, et être patiente. L’analyse peut prendre du temps. Et rester assise devant un écran pendant de longues périodes peut être fatiguant. Ce stage est donc plein de défis pour moi, mais il m’a permis de solidifier mes compétences et mes valeurs. J’ai persévéré depuis le début et je me suis donnée à fond. Chaque erreur est pour moi une opportunité pour apprendre quelque chose pour la première étape du succès.

– L’Aleph : Comment décrirais-tu xenia avec tes propres mots ?

– H.P. : xenia est un outil qui permet de percevoir et d’analyser les émotions d’un groupe d’individus (habitant d’un département, clients d’une agence de voyage, etc.) à propos d’un sujet donné (perception du territoire, expérience de voyage vécue…)

– L’Aleph : Qu’est-ce que tu retiens de ton stage chez l’Aleph ?

– H.P. : Dans l’ensemble, c’était une expérience professionnelle enrichissante. J’ai découvert beaucoup de choses que je ne connaissais pas et que je n’avais pas apprises durant ma formation. Ça m’a permis de développer fortement mes compétences techniques.

En plus de cela, je suis vraiment très honorée de la confiance qu’Ariane m’a accordée.  J’ai été acceptée comme stagiaire, tant par elle que par l’équipe de l’Aleph, après seulement une journée d’entretien en visioconférence. Ma surdité n’a aucunement été considérée comme un frein. Plus encore, elle m’a même demandé de travailler sur un deuxième projet en cours. Ça me fait penser qu’elle savait que j’en étais capable et qu’elle croit de tout cœur en mes capacités.

Cela m’a permis de gagner en confiance, d’apprendre à m’améliorer encore plus. C’est vrai que parfois, j’ai tendance à garder les difficultés pour moi. Or, il est important de les partager avec les autres, c’est un travail d’équipe. De plus, cela me permet aussi d’organiser mes tâches, de comprendre la nécessité de s’adapter, d’être rigoureux et à l’écoute des besoins du client.

– L’Aleph : Quels mots-images utiliserais-tu pour décrire ton expérience avec xenia ?

– H.P. : En haut du podium, je dirais : « exploration » et « appel de l’aventure ». En deuxième position : « rencontres improbables » et « moment d’enchantement ». Et sur la troisième marche « petit plaisir » puis « temps libre pour respirer ».

Perception de la marque xenia par Héloïse Pellizzoni (voir la xeniagraphy complète)

– L’Aleph : Pour finir, quels sont tes projets pour la suite ? Que souhaites-tu faire dans ta vie ?

– H.P. : Je ne sais pas encore. À l’origine je voulais être prof de maths pour jeunes sourds. Mais avec ma formation actuelle, j’ai une nouvelle passion pour la modélisation statistique. Je devrais réfléchir au cours des prochains mois dans quelles professions dans le domaine des statistiques je voudrais travailler à l’avenir. Actuellement, mon objectif est d’obtenir mon diplôme de Bachelor universitaire technologique en STID en 2024. Ensuite, si je suis toujours passionnée par les statistiques, j’aimerais m’inscrire en Master de Mathématiques Appliquées et Statistiques (MAS) qui se fait en deux ans.

Propos recueillis par Amel ALLIK.